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Payer un fermage donne des droits ! Ne pas payer son fermage peut entraîner la résiliation du bail ...

05/04/2018

 

   Le statut du fermage donne des droits et des devoirs au preneur et au bailleur. Le paiement du fermage par le fermier et le recouvrement de celui-ci par le propriétaire est l'acte fondateur de la relation juridique instaurée par le bail.

   Ces derniers mois, le Comité d'Action Juridique a été sollicité par des fermiers et des propriétaires sur cette question de règlement du fermage. Ces différents cas nous ont montré que le non respect de cette règle peut avoir différentes répercussions juridiques et pour le CAJ, aboutir à différents modes d'accompagnements : le simple conseil en permanence juridique, la médiation hors de toutes procédures juridiques, la médiation au TPBR (Tribunal Paritaire des Baux Ruraux ) et le procès.

 

Avant de balayer ces cas, petit rappel du droit sur le défaut de paiement et la résiliation du bail:

 

    Le paiement des fermages est une des obligations du preneur. C’est l’article L411-31 du Code Rural qui précise que le bailleur pourra, sous certaines conditions, demander la résiliation du bail s’il justifie de « deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance ».

   Les deux défauts de paiement peuvent aussi bien avoir pour objet 2 termes différents que correspondre à la même échéance de bail restée impayée après 2 mises en demeure.

   Pour demander la résiliation du bail auprès du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux, le bailleur doit respecter une certaine procédure :

   S’il réclame le paiement de fermages distincts à des moments différents, il doit délivrer 2 mises en demeure. Deux mises en demeure doivent être également adressées au preneur lorsque les défauts de paiement concernent une même échéance de loyer. En revanche, une seule mise en demeure suffit si le paiement de deux fermages distincts est demandé en même temps.

 

   Les mises en demeure sont envoyées par lettre recommandée avec AR et doivent en principe être séparées par un délai de trois mois.

   Ce courrier devra reprendre les termes de l’article L.411-31, I, 1° du Code rural, sous peine d’être irrecevable par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux.

   Le bailleur est fondé à demander la résiliation si le preneur ne s'est pas libéré de sa dette dans les 3 mois de la seconde mise en demeure.

   Le paiement intervenu postérieurement à l’expiration du délai de 3 mois suivant la mise en demeure ne permet pas au fermier d’échapper à la résiliation. Il en est de même si le fermier verse seulement des acomptes puisque le paiement partiel n’est pas libératoire.

 

1er cas, l'exploitation d'un terrain sans bail, sans paiement :

   Un jeune agriculteur nous contacte, il exploite un terrain depuis quelques années que le propriétaire veut vendre à un autre que lui. Il n’y a aucun écrit et aucun paiement. Notre réponse, le paiement est le premier élément (début de preuve) qui permet de penser qu’il y a présomption de bail verbal. En l’absence de paiement, celui qui travaille le terrain n’a aucun droit : durée, préemption en cas de vente … Nous avons conseillé au preneur d'évaluer un montant de fermage et de trouver le moyen de le faire encaisser par le propriétaire, espèce, chèque, mandat cash … l'affaire est en cours.

 

2ème cas, la médiation par le CAJ :

   Un bailleur, par ailleurs agriculteur, nous contacte pour saisir le TPBR. Son fermier ne paye plus de loyer depuis 3 ans. Le CAJ propose, avant toutes procédures, de réaliser une médiation entre les deux parties. Cette médiation, au départ très tendue, a finalement abouti au règlement des loyers par le preneur en place, à la résiliation amiable du bail en cours et à un échange de parcelles, par la signature de deux nouveaux baux, entre les deux parties. La médiation, clôturée par le tintement joyeux de verres de clairette, a permis de reconstruire des liens entre le bailleur et le preneur , ainsi que d'éviter la complexité d'une procédure juridique, avec éviction probable du preneur, pourtant demandée au début par le bailleur.

 

3ème cas, la médiation devant le TPBR :

   Un bailleur nous contacte car son fermier n’a pas payé son fermage depuis 3 ans. Après une mise en demeure avec Lettre Recommandé et Accusé de Réception suivi d’un délai de 3 mois, le bailleur saisi le TPBR pour demander la résiliation du bail et le paiement des loyers en retard. Les deux parties sont convoquées devant le TPBR. Lors de l’audience de conciliation, il semble que le preneur fasse preuve de bonne volonté. Nous demandons une 2ème séance de conciliation, elle nous est accordée. La conciliation aboutit, le preneur paye les fermages en retard et accepte la résiliation du bail.

 

4ème cas, le procès :

   Un bailleur nous contacte, son fermier a saisi le TPBR car le bailleur a réensemencé la parcelle qui était en fermage. Son fermier ne lui payait plus de fermage. Nous lui expliquons que dans ce cas le bail ne peut être résilié qu’à la suite d’un jugement et qu’un bailleur ne peut pas reprendre ses terres sans respecter cette procédure en justice.

   Nous tentons une médiation chez l’avocat du fermier sans résultat. Suite à l’audience de jugement, le TPBR a pris la décision de ne pas résilier le bail car la procédure pour défauts de paiement n'a pas été respectée par le bailleur.

   Le fermier persiste dans son non paiement du fermage. Après deux mises en demeure, le bailleur saisit le TPBR à son tour pour résiliation du bail. La résiliation est obtenue ainsi que la condamnation du preneur à payer les loyers en retard. Le fermier fait appel de ce jugement auprès de la Cour d’Appel de Grenoble qui statuera prochainement.

   Pour cette dernière affaire, l'équipe du CAJ a accepté d’accompagner le bailleur après avoir longtemps discuté de la légitimité de sa demande. Il nous semble légitime que le fermage soit payé, sauf lorsque le fermier se trouve dans de réelles difficultés financières.

   Dans le cas qui vient d’être présenté, la résiliation du bail permet de conforter l’exploitation du fils du bailleur installé sur une petite surface sans déstabiliser l’exploitation du fermier.

 

Conclusion :

   Les quatre cas présentés sont issus d'une même notion de droit, la présence du paiement d'un fermage dans la relation juridique bailleur-preneur. Le CAJ conseille à tous les preneurs de payer un fermage même lorsque celui-ci n'est pas réclamé par le propriétaire. Ce devoir du preneur, s’il est respecté, lui permet de profiter pleinement des droits liés au statut du fermage en cas de conflit.

   Pour l'équipe du CAJ, les sollicitations par des propriétaires bailleurs ne sont pas courantes. Nous étudions la légitimité des demandes à chaque sollicitation avant de proposer un accompagnement.

   Nous en sommes persuadés : faire appliquer strictement le statut du fermage par les bailleurs ainsi que lui assurer une pérennité législative , passe aussi par le respect par les preneurs de leurs devoirs, dont le premier est celui de payer un fermage.

   Lorsque nous décidons de soutenir une personne, nous cherchons à entendre les deux parties et nous privilégions la médiation. Difficile à obtenir, le conflit humain étant souvent fortement engagé, cette étape de résolution d'un conflit est pourtant régulièrement couronnée de succès.

 

Grégoire Jasson et Guy Perret